Cultiver ses propres semences

1. La culture de graines – Qu’est-ce que c’est?

Cultiver des semences veut dire accompagner des plantes jusqu’à la fin de leur cycle végétal afin de pouvoir utiliser les graines obtenues pour les saisons suivantes.

Il ne s’agit pas de récolter au hasard les graines des plantes qui sont montées en graines spontanément. Il y a donc quelques règles spécifiques à respecter. La règle d’or est de choisir ‚les meilleures plantes pour les meilleures graines‘.

2. Cultiver ses propres semences – Pourquoi?

– Le cycle bouclé: cultiver des semences permet au jardinier de faire les choses de A à Z dans son propre jardin en bouclant ainsi le cycle de la graine à la graine suivante. Ceci ne représente pas seulement un idéal, mais offre aussi des avantages très pratiques.

– Des expériences précieuses: un jardinier qui accumule des expériences dans la culture des graines arrive à approfondir sa connaissance des plantes d’une façon très concrète. Rapidement, cette occupation peut devenir une passion.

–  Des plantes bien adaptées : au bout de quelques générations successives de graines, le jardinier arrive à obtenir des plantes bien habituées au sol et au climat de son jardin ce qui se traduit par une meilleure résistance naturelle contre les ravageurs, les maladies et les conditions climatiques défavorables.

– La sauvegarde des variétés régionales: avec la mondialisation et l’industrialisation du marché de semences l’utilisation des variétés modernes (hybrides F1 et génétiquement modifiées) est en constante augmentation alors que de plus en plus de variétés traditionnelles se perdent. Engendrant la diminution de la diversité génétique des plantes cultivées, cette perte représente une menace pour l’équilibre de la nature, des systèmes agricoles et pour l’alimentation des êtres humains. Le jardinier peut contribuer à la sauvegarde de la diversité des plantes alimentaires en cultivant des variétés traditionnelles dans son jardin.

3. Quelques informations de base

– Les variétés hybrides „F1“: on ne peut pas obtenir des semences valables des variétés hybrides „F1“. Soit celles-ci sont stériles, soit elles donnent des graines qui font naître des plantes d’aspect très hétérogène et d’une qualité fortement réduite.

– Quelques catégories:

1. Les légumes comme la tomate, le concombre, le potiron, la courge, le haricot et le petit pois sont déjà cultivés pour leurs fruits et leurs graines. En obtenir des semences est donc relativement facile.

2. D’autres légumes annuels comme la laitue, le radis, le brocoli et le chou-fleur sont normalement récoltés avant qu’ils ne montent en graines. Si l’on ne les récolte pas, on peut encore en obtenir des graines pendant cette même saison.

3. Chez les légumes bisannuels, comme la carotte, le céleri, la betterave, la chicorée, l’oignon, le poireau et la plupart des sous-espèces de chou, les graines se forment seulement après une période de froid ( = d’hiver), c’est-à-dire au cours de la saison suivant le semis.

Les légumes résistant au gel restent en terre pendant l’hiver et commencent à faire des graines au printemps suivant. Les autres légumes que l’on récolte d’habitude en automne doivent être gardés en cave ou en silo afin d’être replantés au jardin au printemps, dès que la terre s’est suffisamment réchauffée.

– La sélection: on doit bien observer et choisir les plantes destinées à la culture de graines que l’on appelle porte-graines ou pied-mères. En général, la sélection se fait sur divers aspects: la forme, la résistance aux maladies et aux ravageurs, la rusticité par rapport aux conditions climatiques défavorables (gel, chaleur, sécheresse, pluie abondante etc.), la croissance, la couleur, le goût etc. De plus, chaque espèce de légumes a ses propres critères de sélection. En voici seulement quelques exemples:

– Tomates et concombres: à la fin de l’été, on prélève des fruits sur les plantes qui ont fructifié en premier, qui se sont bien développées et qui sont restées en bonne santé pendant toute la saison.

– Laitues: les têtes saines et bien formées qui montent en graines en dernier sont laissées sur la parcelle pour qu’elles fassent des graines.

– Carottes: les carottes droites et lisses qui se sont bien gardées en silo pendant tout l’hiver sont choisies pour être replantées au jardin comme porte-graines.

– Les croisements non désirés: Les différentes variétés de certaines espèces de légumes que l’on appelle allogames se croisent entre elles lors de la floraison / fécondation. Les variétés d’origine se perdent alors et on obtient des bâtards non désirés. Il est très important de connaître les espèces de légumes dont les différentes variétés se croisent si on les laisse monter en graines ensemble.

Parmi ces espèces allogames à fécondation croisée on compte les chicorées, les potirons, les courges, les concombres, les poireaux, les oignons, les choux, les radis, les navets, les carottes, les céleris et les betteraves. De plus, les différentes sous-espèces de choux (rouge, blanc, rave, de Bruxelles etc.) se croisent entre elles ainsi que les betteraves rouges avec les bettes, les betteraves fourragères et sucrières. Certains légumes se croisent également avec leurs ancêtres sauvages comme les carottes et les chicorées.

Pour éviter ces croisements non désirés, il y a différentes possibilités, pas toujours faciles à pratiquer:

1. On plante seulement une variété de légume en question par an pour obtenir des semences, par exemple une variété de potiron ou une variété de chou rouge. Toutefois, il faut aussi s’assurer que dans les jardins du voisinage il n’y a pas une autre variété de ce même légume en fleurs. Comme les semences récoltées se gardent sur plusieurs années, on peut alors cultiver une variété différente chaque année.

2. Pour les variétés susceptibles de se croiser, on doit respecter une distance minimale de quelques centaines de mètres jusqu’à un kilomètre (!) entre elles pour éviter la pollinisation croisée par le vent ou les insectes. On pourrait alors choisir deux jardins de deux jardiniers amis assez éloignés l’un de l’autre pour faire des graines de variétés à risque de croisement.

3. On peut également choisir deux variétés de la même espèce et les planter à des moments différents pour éviter qu’elles ne fleurissent ensemble. Toutefois, dans les régions d’Europe du Nord, la saison est généralement trop courte pour effectuer deux récoltes de graines échelonnées.

4. La pratique habituelle des producteurs professionnels de semences est l’isolement des variétés en question par des voiles ou des filets à mailles fines. Dans ces cages d’isolation on doit par la suite introduire des insectes (mouches, bourdons…) pour assurer la pollinisation. Chez les potirons et les courges, qui ont des grandes fleurs peu nombreuses, le jardinier effectue la pollinisation de façon manuelle. Ensuite, les fleurs fécondées doivent être isolées à l’aide de sachets en papier.

– La quantité de porte-graines: En même temps que l’on évite que deux variétés différentes de plantes allogames se croisent. on va permettre à plusieurs plantes de la même variété de fleurir ensemble pour qu’elles puissent échanger leurs informations génétiques par le pollen qui circule entre elles, véhiculé par les insectes ou le vent.

Cet échange est nécessaire chez les plantes allogames pour permettre à la variété de garder ses bonnes caractéristiques. Laisser monter en graines seulement une ou deux plantes d’une variété risque d’engendrer une dégénérescence par consanguinité.

Concernant la bonne quantité de porte-graines pour éviter la dégénérescence chez les plantes allogames, les chiffres donnés varient entre 10 et 100 exemplaires.

Chez les plantes autogames la fécondation se fait à l’intérieur de la même fleur et il n’y a que de rares échanges de pollen entre plusieurs plantes. De ce fait, on peut planter plusieurs variétés différentes d’une espèce autogame ensemble car le risque de fécondation croisée est minime. Toutefois, une distance de sécurité de quelques mètres est recommandée.

Parmi les plantes autogames on compte les haricots, les petits pois, les tomates, les laitues, la mâche etc.. Bien qu’il n’y ait pas d’échange d’informations génétiques entre les plantes autogames, il est recommandé de garder un bon nombre de plantes de la même variété afin de pouvoir choisir les meilleures pour la production de graines.

4. Quelques aspects techniques

– La récolte: en général, la maturité des graines se repère facilement. Chez certaines plantes, les fruits sont visiblement mûrs, chez d’autres, c’est la plante entière qui s’est desséchée et les graines commencent déjà à tomber sur le sol.

Selon les cas, soit on arrache les plantes entières, soit on prélève seulement les graines pour ensuite les faire sécher.

– Le séchage: Les graines doivent être séchées rapidement pour éviter qu’elles ne moisissent. A cette fin, on choisit un endroit tempéré, sec et aéré. Soit on suspend les plantes entières avec leurs têtes en bas, soit on met les graines déjà détachées sur des grillages style moustiquaire.

– Le tri: Quand les graines sont suffisamment sèches, on peut procéder au nettoyage et au tri. Dans certains cas, il faut d’abord séparer les graines de leurs enveloppes de fleurs fanées, une activité qui se présente de diverses manières selon la nature des plantes.

Ensuite, il faut souvent encore séparer les graines des petits saletés comme des morceaux de fleurs écrasées ou de la poussière. Ce travail se fait avec des tamis qui, selon le diamètre de leurs mailles, ou bien gardent les saletés et laissent passer les graines ou bien l’inverse. Les véritables tamis pour graines n’étant pas faciles à trouver, on peut recourir aux tamis de maçon qui sont aussi fabriqués en plusieurs diamètres.

De plus, un petit ventilateur est très efficace pour enlever les saletés et les graines vides et trop petites.

Avec le temps et l’expérience grandissante, on peut améliorer ses résultats de nettoyage de graines. Bien sûr, pour un jardinier privé il n’est pas nécessaire d’obtenir un niveau de propreté de graines aussi élevé que celui des sachets de semences vendus dans le commerce.

– Le stockage: Pour que les semences puissent garder une bonne capacité germinative pendant plusieurs années, on doit les stocker dans un endroit frais, sec et obscur. Après les avoir mis dans des sachets en papier sur lesquels sont inscrit le nom de la variété et l’année de la récolte, on peut garder les semences dans des boîtes de biscuits en métal ou des bocaux en verre dans une armoire fermée.

– Les tests de germination: Avant de semer dans son jardin ou de distribuer à d’autres jardiniers les semences que l’on a récoltées, il est recommandé de faire des tests de germination. Après avoir compté leur nombre, on sème des graines dans des pots ou des bacs. Par le rapport entre graines semées et graines germées, on peut calculer leur taux de germination. A partir de 80 % on peut parler d’une bonne capacité germinative.

Si l’on garde des semences pendant plusieurs années, il est bien de refaire des tests de germination chaque début d’année pour savoir si les graines sont encore bonnes. Pour un jardinier privé même un taux de germination de 50 % seulement est encore acceptable. Il suffit tout simplement de semer le double de la quantité normale.

5. Explications détaillées sur certaines légumes

La tomate: On choisit les plus beaux pieds qui se développent le mieux, qui produisent des fruits en premier et qui restent longtemps en bonne santé. Les meilleures graines ne se trouvent ni dans les fruits des premiers bouquets, tout en bas, ni dans les derniers, tout en haut de la plante. On fera son choix parmi les tomates du milieu. (Quand l’automne approche, la plante commence à ’se soucier de sa descendance‘; elle va alors se concentrer sur la production de ‚bonnes graines‘. Les derniers fruits de la saison, par contre, ne sont souvent pas assez développés à cause du manque de lumière et de chaleur.).

Une fois les fruits choisis, on les laisse mûrir assez longtemps sur le pied, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils soient rouge foncé. Pour enlever les graines, on coupe la tomate en deux horizontalement. De cette façon, on ouvre toutes les chambres de graines à la fois. On récupère ainsi facilement les graines à l’aide d’une petite cuillère. Ensuite, on les met dans une passoire, on les passe sous l’eau du robinet en les frottant doucement pour enlever au maximum la pulpe qui les recouvre. Après cela, on met les graines à sécher.

Le concombre: Comme la tomate, le concombre commence à faire de bonnes graines quand la fin de la saison s’annonce. Les bouts inférieurs des fruits commençant à gonfler beaucoup plus que la partie supérieure en sont le phénomène indicateur: les chambres de graines commencent à se remplir. (Pour pouvoir récupérer des graines de concombre, on doit choisir une variété traditionnelle qui porte des fleurs mâles et femelles. La plupart des variétés modernes sont parthénocarpes ; c’est-à-dire qu’elles ne portent que des fleurs femelles produisant des fruits sans fécondation).

Il est conseillé de laisser jaunir les fruits (si possible sur la plante) avant de les couper pour enlever les graines. On lave les graines comme celles des tomates et on les met ensuite dans un bol rempli d’eau. Celles qui flottent sont trop légères, on les jette; celles qui descendent au fond du bol peuvent être mises à sécher.

La betterave rouge (la carotte, le céleri rave): Après les avoir récoltés en automne, les raves doivent être stockées pendant l’hiver puis replantées en terre au printemps.

A la récolte, on peut déjà faire un premier choix de porte-graines pour l’année suivante, et on met de côté au moins le double des besoins effectifs pour prévenir des pertes inattendues. On enlève les feuilles des raves avec un couteau en laissant à peu près 2 cm de tige au dessus du collet de la rave. Ainsi, le cœur de la plante reste intact et elle peut facilement faire de nouvelles pousses l’année suivante. Par contre, on ne touche pas aux racines de la betterave rouge.

Après avoir gardé les raves dans du sable pendant l’hiver, on fait un deuxième tri au printemps en ôtant les individus qui ne se sont pas bien conservés avant de les replanter au jardin.

Il vaut mieux attendre pour repiquer les raves que la terre ait bien commencé à se réchauffer et à se réactiver et que les forts gels ne soient plus à craindre. Les légumes ainsi replantés vont faire de nouvelles petites racines et des nouvelles feuilles qui vont bientôt se transformer en tiges dures sur lesquelles apparaîtront plus tard des fleurs. Chaque pied va, dans le meilleur des cas, développer de vrais buissons de tiges florales, il faut donc laisser assez de place entre les pieds (50 cm ou plus).

Comme les boules de graines de la betterave rouge restent bien attachées aux tiges florales, on peut donc arracher le pied entier au moment que les tiges et les graines aient perdu toute nuance de vert; la couleur brune étant un signe extérieur de maturité de graines.

Le même procédé s’applique aussi aux carottes et aux céleris raves.

L’oignon: À la récolte à la fin de l’été, on met de côté les meilleurs oignons et on les fait sécher. Puis, on les fait hiverner dans un endroit frais mais hors gel. Au printemps, on repique les oignons qui se sont bien gardés et qui n’ont pas encore germé de façon prématurée au jardin. Peu de temps après, les oignons vont faire de nouvelles racines et développer des tiges florales. Après la fin de la floraison, les boules de fleurs vont commencer à perdre leurs couleurs et à dessécher. Lors de la maturité des graines, les fleurs fanées commencent à s’ouvrir; le moment de la récolte des graines est alors venu.

La laitue: Sur une parcelle de laitues, parmi les plus belles têtes on choisira les dernières qui montent en graines. (Il ne faut pas récupérer les graines des têtes qui sont montées en graines même avant de former une belle pomme, car les laitues de la génération suivante risquent de faire la même chose.)

Après la floraison, les fleurs de laitues fanent en se refermant, et peu de temps après, à leurs bouts, des petits ‚pinceaux‘ blancs apparaissent. (Ce sont des petits ‚parachutes‘ comme sur les graines de pissenlit.). Ceci indique la maturité des graines qu’on peut alors facilement détacher en tirant légèrement su ces petits pinceaux.

Comme les fleurs sur une plante ne mûrissent pas toutes en même temps, on peut effectuer ce prélèvement de graines en plusieurs fois. Il est également possible d’arracher la plante entière quand toutes les fleurs sont fanées, mais il faut faire ceci avant que les journées et nuits d’automne ne commencent à être trop humides, si non les graines risquent de moisir sur la plante. Après l’arrachage de la plante entière, on la suspend la tête à l’envers pour laisser mûrir et sécher les graines davantage. En dessous des plantes suspendues on peut mettre des bacs ou des bâches pour récupérer les graines qui tombent (attention: pour qu’il n’y ait pas de terre qui se mélange aux graines, il est nécessaire de couper les racines de la plante arrachée avant de la suspendre.). On peut alors extraire les graines sur la plante suspendue avec des frottements légers du haut vers le bas.

Le chou de Bruxelles: Avant que la récolte commence, on fera un premier choix en marquant les meilleurs pieds. Les critères en sont: bon développement, bon état de santé, bon port de petits choux bien fermes et de bonne taille. Au printemps on vérifie si les pieds choisis ont bien passé l’hiver et on les laisse alors monter en graines. Il est nécessaire de tuteurer les plantes pour éviter qu’elles ne tombent, car elles se transformeront en véritables buissons. Après l’apparition des fleurs jaunes, des petites cosses se forment, gonflent et mûrissent. Une fois mûres, il convient de les récolter aussi vite, car les cosses s’ouvrent facilement et répandent ainsi les graines par terre.

Le haricot: Au lieu de récolter les haricots comme d’habitude, on laisse mûrir les cosses sur la plante. Elles vont d’abord gonfler lors de la formation des graines, puis changer de couleur et commencer à sécher et à durcir. Il faut noter que des pluies abondantes sur les cosses en train de mûrir entraînent facilement la pourriture des semences. Quand on fait le tri des graines il ne faut pas garder celles qui ont des tâches, celles qui sont trop petites ou trop ridées et celles dont l’enveloppe est abimée.

En ce qui concerne les légumes qui ne sont pas traités ici de façon détaillée, on peut dire que le procédé reste toujours à peu près le même: sélection de porte-graines, observation, récolte au bon moment, séchage, nettoyage, tri, stockage. Il reste au débutant muni de quelques informations de base d’oser faire ses propres expériences.

6. Les échecs

Les causes qui empêchent une plante porte-graine à ne pas développer de bonnes graines sont multiples comme par exemple de mauvaises conditions climatiques.

Parmi toutes les causes possibles, il existe un phénomène particulier qui mérite d’être cité ici.

Parfois, il arrive que certains insectes commencent à manger les fleurs des porte-graines ou d’autres animaux en mangent les racines dans le sol.

Ce fait peut être considéré comme l’expression du principe de la ’sélection naturelle‘ qui empêche les plantes trop faibles de se reproduire. Autrement dit, ce sont seulement les pieds qui résistent aux attaques de toutes sortes qui vont produire de bonnes graines méritant d’être récupérées.

Frank Adams, Hollenfels, Luxembourg
mai 2010

2. Cultiver ses propres semences – Pourquoi?

– Le cycle bouclé: cultiver des semences permet au jardinier de faire les choses de A à Z dans son propre jardin en bouclant ainsi le cycle de la graine à la graine suivante. Ceci ne représente pas seulement un idéal, mais offre aussi des avantages très pratiques.

– Des expériences précieuses: un jardinier qui accumule des expériences dans la culture des graines arrive à approfondir sa connaissance des plantes d’une façon très concrète. Rapidement, cette occupation peut devenir une passion.

–  Des plantes bien adaptées : au bout de quelques générations successives de graines, le jardinier arrive à obtenir des plantes bien habituées au sol et au climat de son jardin ce qui se traduit par une meilleure résistance naturelle contre les ravageurs, les maladies et les conditions climatiques défavorables.

– La sauvegarde des variétés régionales: avec la mondialisation et l’industrialisation du marché de semences l’utilisation des variétés modernes (hybrides F1 et génétiquement modifiées) est en constante augmentation alors que de plus en plus de variétés traditionnelles se perdent. Engendrant la diminution de la diversité génétique des plantes cultivées, cette perte représente une menace pour l’équilibre de la nature, des systèmes agricoles et pour l’alimentation des êtres humains. Le jardinier peut contribuer à la sauvegarde de la diversité des plantes alimentaires en cultivant des variétés traditionnelles dans son jardin.

3. Quelques informations de base

– Les variétés hybrides „F1“: on ne peut pas obtenir des semences valables des variétés hybrides „F1“. Soit celles-ci sont stériles, soit elles donnent des graines qui font naître des plantes d’aspect très hétérogène et d’une qualité fortement réduite.

– Quelques catégories:

1. Les légumes comme la tomate, le concombre, le potiron, la courge, le haricot et le petit pois sont déjà cultivés pour leurs fruits et leurs graines. En obtenir des semences est donc relativement facile.

2. D’autres légumes annuels comme la laitue, le radis, le brocoli et le chou-fleur sont normalement récoltés avant qu’ils ne montent en graines. Si l’on ne les récolte pas, on peut encore en obtenir des graines pendant cette même saison.

3. Chez les légumes bisannuels, comme la carotte, le céleri, la betterave, la chicorée, l’oignon, le poireau et la plupart des sous-espèces de chou, les graines se forment seulement après une période de froid ( = d’hiver), c’est-à-dire au cours de la saison suivant le semis.

Les légumes résistant au gel restent en terre pendant l’hiver et commencent à faire des graines au printemps suivant. Les autres légumes que l’on récolte d’habitude en automne doivent être gardés en cave ou en silo afin d’être replantés au jardin au printemps, dès que la terre s’est suffisamment réchauffée.

– La sélection: on doit bien observer et choisir les plantes destinées à la culture de graines que l’on appelle porte-graines ou pied-mères. En général, la sélection se fait sur divers aspects: la forme, la résistance aux maladies et aux ravageurs, la rusticité par rapport aux conditions climatiques défavorables (gel, chaleur, sécheresse, pluie abondante etc.), la croissance, la couleur, le goût etc. De plus, chaque espèce de légumes a ses propres critères de sélection. En voici seulement quelques exemples:

– Tomates et concombres: à la fin de l’été, on prélève des fruits sur les plantes qui ont fructifié en premier, qui se sont bien développées et qui sont restées en bonne santé pendant toute la saison.

– Laitues: les têtes saines et bien formées qui montent en graines en dernier sont laissées sur la parcelle pour qu’elles fassent des graines.

– Carottes: les carottes droites et lisses qui se sont bien gardées en silo pendant tout l’hiver sont choisies pour être replantées au jardin comme porte-graines.

– Les croisements non désirés: Les différentes variétés de certaines espèces de légumes que l’on appelle allogames se croisent entre elles lors de la floraison / fécondation. Les variétés d’origine se perdent alors et on obtient des bâtards non désirés. Il est très important de connaître les espèces de légumes dont les différentes variétés se croisent si on les laisse monter en graines ensemble.

Parmi ces espèces allogames à fécondation croisée on compte les chicorées, les potirons, les courges, les concombres, les poireaux, les oignons, les choux, les radis, les navets, les carottes, les céleris et les betteraves. De plus, les différentes sous-espèces de choux (rouge, blanc, rave, de Bruxelles etc.) se croisent entre elles ainsi que les betteraves rouges avec les bettes, les betteraves fourragères et sucrières. Certains légumes se croisent également avec leurs ancêtres sauvages comme les carottes et les chicorées.

Pour éviter ces croisements non désirés, il y a différentes possibilités, pas toujours faciles à pratiquer:

1. On plante seulement une variété de légume en question par an pour obtenir des semences, par exemple une variété de potiron ou une variété de chou rouge. Toutefois, il faut aussi s’assurer que dans les jardins du voisinage il n’y a pas une autre variété de ce même légume en fleurs. Comme les semences récoltées se gardent sur plusieurs années, on peut alors cultiver une variété différente chaque année.

2. Pour les variétés susceptibles de se croiser, on doit respecter une distance minimale de quelques centaines de mètres jusqu’à un kilomètre (!) entre elles pour éviter la pollinisation croisée par le vent ou les insectes. On pourrait alors choisir deux jardins de deux jardiniers amis assez éloignés l’un de l’autre pour faire des graines de variétés à risque de croisement.

3. On peut également choisir deux variétés de la même espèce et les planter à des moments différents pour éviter qu’elles ne fleurissent ensemble. Toutefois, dans les régions d’Europe du Nord, la saison est généralement trop courte pour effectuer deux récoltes de graines échelonnées.

4. La pratique habituelle des producteurs professionnels de semences est l’isolement des variétés en question par des voiles ou des filets à mailles fines. Dans ces cages d’isolation on doit par la suite introduire des insectes (mouches, bourdons…) pour assurer la pollinisation. Chez les potirons et les courges, qui ont des grandes fleurs peu nombreuses, le jardinier effectue la pollinisation de façon manuelle. Ensuite, les fleurs fécondées doivent être isolées à l’aide de sachets en papier.

– La quantité de porte-graines: En même temps que l’on évite que deux variétés différentes de plantes allogames se croisent. on va permettre à plusieurs plantes de la même variété de fleurir ensemble pour qu’elles puissent échanger leurs informations génétiques par le pollen qui circule entre elles, véhiculé par les insectes ou le vent.

Cet échange est nécessaire chez les plantes allogames pour permettre à la variété de garder ses bonnes caractéristiques. Laisser monter en graines seulement une ou deux plantes d’une variété risque d’engendrer une dégénérescence par consanguinité.

Concernant la bonne quantité de porte-graines pour éviter la dégénérescence chez les plantes allogames, les chiffres donnés varient entre 10 et 100 exemplaires.

Chez les plantes autogames la fécondation se fait à l’intérieur de la même fleur et il n’y a que de rares échanges de pollen entre plusieurs plantes. De ce fait, on peut planter plusieurs variétés différentes d’une espèce autogame ensemble car le risque de fécondation croisée est minime. Toutefois, une distance de sécurité de quelques mètres est recommandée.

Parmi les plantes autogames on compte les haricots, les petits pois, les tomates, les laitues, la mâche etc.. Bien qu’il n’y ait pas d’échange d’informations génétiques entre les plantes autogames, il est recommandé de garder un bon nombre de plantes de la même variété afin de pouvoir choisir les meilleures pour la production de graines.

4. Quelques aspects techniques

– La récolte: en général, la maturité des graines se repère facilement. Chez certaines plantes, les fruits sont visiblement mûrs, chez d’autres, c’est la plante entière qui s’est desséchée et les graines commencent déjà à tomber sur le sol.

Selon les cas, soit on arrache les plantes entières, soit on prélève seulement les graines pour ensuite les faire sécher.

– Le séchage: Les graines doivent être séchées rapidement pour éviter qu’elles ne moisissent. A cette fin, on choisit un endroit tempéré, sec et aéré. Soit on suspend les plantes entières avec leurs têtes en bas, soit on met les graines déjà détachées sur des grillages style moustiquaire.

– Le tri: Quand les graines sont suffisamment sèches, on peut procéder au nettoyage et au tri. Dans certains cas, il faut d’abord séparer les graines de leurs enveloppes de fleurs fanées, une activité qui se présente de diverses manières selon la nature des plantes.

Ensuite, il faut souvent encore séparer les graines des petits saletés comme des morceaux de fleurs écrasées ou de la poussière. Ce travail se fait avec des tamis qui, selon le diamètre de leurs mailles, ou bien gardent les saletés et laissent passer les graines ou bien l’inverse. Les véritables tamis pour graines n’étant pas faciles à trouver, on peut recourir aux tamis de maçon qui sont aussi fabriqués en plusieurs diamètres.

De plus, un petit ventilateur est très efficace pour enlever les saletés et les graines vides et trop petites.

Avec le temps et l’expérience grandissante, on peut améliorer ses résultats de nettoyage de graines. Bien sûr, pour un jardinier privé il n’est pas nécessaire d’obtenir un niveau de propreté de graines aussi élevé que celui des sachets de semences vendus dans le commerce.

– Le stockage: Pour que les semences puissent garder une bonne capacité germinative pendant plusieurs années, on doit les stocker dans un endroit frais, sec et obscur. Après les avoir mis dans des sachets en papier sur lesquels sont inscrit le nom de la variété et l’année de la récolte, on peut garder les semences dans des boîtes de biscuits en métal ou des bocaux en verre dans une armoire fermée.

– Les tests de germination: Avant de semer dans son jardin ou de distribuer à d’autres jardiniers les semences que l’on a récoltées, il est recommandé de faire des tests de germination. Après avoir compté leur nombre, on sème des graines dans des pots ou des bacs. Par le rapport entre graines semées et graines germées, on peut calculer leur taux de germination. A partir de 80 % on peut parler d’une bonne capacité germinative.

Si l’on garde des semences pendant plusieurs années, il est bien de refaire des tests de germination chaque début d’année pour savoir si les graines sont encore bonnes. Pour un jardinier privé même un taux de germination de 50 % seulement est encore acceptable. Il suffit tout simplement de semer le double de la quantité normale.

5. Explications détaillées sur certaines légumes

La tomate: On choisit les plus beaux pieds qui se développent le mieux, qui produisent des fruits en premier et qui restent longtemps en bonne santé. Les meilleures graines ne se trouvent ni dans les fruits des premiers bouquets, tout en bas, ni dans les derniers, tout en haut de la plante. On fera son choix parmi les tomates du milieu. (Quand l’automne approche, la plante commence à ’se soucier de sa descendance‘; elle va alors se concentrer sur la production de ‚bonnes graines‘. Les derniers fruits de la saison, par contre, ne sont souvent pas assez développés à cause du manque de lumière et de chaleur.).

Une fois les fruits choisis, on les laisse mûrir assez longtemps sur le pied, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils soient rouge foncé. Pour enlever les graines, on coupe la tomate en deux horizontalement. De cette façon, on ouvre toutes les chambres de graines à la fois. On récupère ainsi facilement les graines à l’aide d’une petite cuillère. Ensuite, on les met dans une passoire, on les passe sous l’eau du robinet en les frottant doucement pour enlever au maximum la pulpe qui les recouvre. Après cela, on met les graines à sécher.

Le concombre: Comme la tomate, le concombre commence à faire de bonnes graines quand la fin de la saison s’annonce. Les bouts inférieurs des fruits commençant à gonfler beaucoup plus que la partie supérieure en sont le phénomène indicateur: les chambres de graines commencent à se remplir. (Pour pouvoir récupérer des graines de concombre, on doit choisir une variété traditionnelle qui porte des fleurs mâles et femelles. La plupart des variétés modernes sont parthénocarpes ; c’est-à-dire qu’elles ne portent que des fleurs femelles produisant des fruits sans fécondation).

Il est conseillé de laisser jaunir les fruits (si possible sur la plante) avant de les couper pour enlever les graines. On lave les graines comme celles des tomates et on les met ensuite dans un bol rempli d’eau. Celles qui flottent sont trop légères, on les jette; celles qui descendent au fond du bol peuvent être mises à sécher.

La betterave rouge (la carotte, le céleri rave): Après les avoir récoltés en automne, les raves doivent être stockées pendant l’hiver puis replantées en terre au printemps.

A la récolte, on peut déjà faire un premier choix de porte-graines pour l’année suivante, et on met de côté au moins le double des besoins effectifs pour prévenir des pertes inattendues. On enlève les feuilles des raves avec un couteau en laissant à peu près 2 cm de tige au dessus du collet de la rave. Ainsi, le cœur de la plante reste intact et elle peut facilement faire de nouvelles pousses l’année suivante. Par contre, on ne touche pas aux racines de la betterave rouge.

Après avoir gardé les raves dans du sable pendant l’hiver, on fait un deuxième tri au printemps en ôtant les individus qui ne se sont pas bien conservés avant de les replanter au jardin.

Il vaut mieux attendre pour repiquer les raves que la terre ait bien commencé à se réchauffer et à se réactiver et que les forts gels ne soient plus à craindre. Les légumes ainsi replantés vont faire de nouvelles petites racines et des nouvelles feuilles qui vont bientôt se transformer en tiges dures sur lesquelles apparaîtront plus tard des fleurs. Chaque pied va, dans le meilleur des cas, développer de vrais buissons de tiges florales, il faut donc laisser assez de place entre les pieds (50 cm ou plus).

Comme les boules de graines de la betterave rouge restent bien attachées aux tiges florales, on peut donc arracher le pied entier au moment que les tiges et les graines aient perdu toute nuance de vert; la couleur brune étant un signe extérieur de maturité de graines.

Le même procédé s’applique aussi aux carottes et aux céleris raves.

L’oignon: À la récolte à la fin de l’été, on met de côté les meilleurs oignons et on les fait sécher. Puis, on les fait hiverner dans un endroit frais mais hors gel. Au printemps, on repique les oignons qui se sont bien gardés et qui n’ont pas encore germé de façon prématurée au jardin. Peu de temps après, les oignons vont faire de nouvelles racines et développer des tiges florales. Après la fin de la floraison, les boules de fleurs vont commencer à perdre leurs couleurs et à dessécher. Lors de la maturité des graines, les fleurs fanées commencent à s’ouvrir; le moment de la récolte des graines est alors venu.

La laitue: Sur une parcelle de laitues, parmi les plus belles têtes on choisira les dernières qui montent en graines. (Il ne faut pas récupérer les graines des têtes qui sont montées en graines même avant de former une belle pomme, car les laitues de la génération suivante risquent de faire la même chose.)

Après la floraison, les fleurs de laitues fanent en se refermant, et peu de temps après, à leurs bouts, des petits ‚pinceaux‘ blancs apparaissent. (Ce sont des petits ‚parachutes‘ comme sur les graines de pissenlit.). Ceci indique la maturité des graines qu’on peut alors facilement détacher en tirant légèrement su ces petits pinceaux.

Comme les fleurs sur une plante ne mûrissent pas toutes en même temps, on peut effectuer ce prélèvement de graines en plusieurs fois. Il est également possible d’arracher la plante entière quand toutes les fleurs sont fanées, mais il faut faire ceci avant que les journées et nuits d’automne ne commencent à être trop humides, si non les graines risquent de moisir sur la plante. Après l’arrachage de la plante entière, on la suspend la tête à l’envers pour laisser mûrir et sécher les graines davantage. En dessous des plantes suspendues on peut mettre des bacs ou des bâches pour récupérer les graines qui tombent (attention: pour qu’il n’y ait pas de terre qui se mélange aux graines, il est nécessaire de couper les racines de la plante arrachée avant de la suspendre.). On peut alors extraire les graines sur la plante suspendue avec des frottements légers du haut vers le bas.

Le chou de Bruxelles: Avant que la récolte commence, on fera un premier choix en marquant les meilleurs pieds. Les critères en sont: bon développement, bon état de santé, bon port de petits choux bien fermes et de bonne taille. Au printemps on vérifie si les pieds choisis ont bien passé l’hiver et on les laisse alors monter en graines. Il est nécessaire de tuteurer les plantes pour éviter qu’elles ne tombent, car elles se transformeront en véritables buissons. Après l’apparition des fleurs jaunes, des petites cosses se forment, gonflent et mûrissent. Une fois mûres, il convient de les récolter aussi vite, car les cosses s’ouvrent facilement et répandent ainsi les graines par terre.

Le haricot: Au lieu de récolter les haricots comme d’habitude, on laisse mûrir les cosses sur la plante. Elles vont d’abord gonfler lors de la formation des graines, puis changer de couleur et commencer à sécher et à durcir. Il faut noter que des pluies abondantes sur les cosses en train de mûrir entraînent facilement la pourriture des semences. Quand on fait le tri des graines il ne faut pas garder celles qui ont des tâches, celles qui sont trop petites ou trop ridées et celles dont l’enveloppe est abimée.

En ce qui concerne les légumes qui ne sont pas traités ici de façon détaillée, on peut dire que le procédé reste toujours à peu près le même: sélection de porte-graines, observation, récolte au bon moment, séchage, nettoyage, tri, stockage. Il reste au débutant muni de quelques informations de base d’oser faire ses propres expériences.

6. Les échecs

Les causes qui empêchent une plante porte-graine à ne pas développer de bonnes graines sont multiples comme par exemple de mauvaises conditions climatiques.

Parmi toutes les causes possibles, il existe un phénomène particulier qui mérite d’être cité ici.

Parfois, il arrive que certains insectes commencent à manger les fleurs des porte-graines ou d’autres animaux en mangent les racines dans le sol.

Ce fait peut être considéré comme l’expression du principe de la ’sélection naturelle‘ qui empêche les plantes trop faibles de se reproduire. Autrement dit, ce sont seulement les pieds qui résistent aux attaques de toutes sortes qui vont produire de bonnes graines méritant d’être récupérées.

Frank Adams, Hollenfels, Luxembourg
mai 2010